À chaque naissance son histoire.
Celle-ci est un peu plus longue que les autres. Les enseignements vont de pair avec sa durée. Je suis partie pour 2 nuits. C’était la première fois depuis plus de 2 ans que je partais si longtemps. C’était pas pour une retraite en pleine forêt mais j’ai plongé en moi tout autant. Tout laissé en plan, la maison, les enfants sans savoir combien de temps. S’en aller voyager dans plus grand. C’est aussi cela la vie de doula. Un espace où le temps ne compte plus. Un espace où je rentre dans sa grotte. Celle où elle m’a offert un accès privilégié considéré avec grande préciosité. En cette semaine d’action de grâce, je ne peux que souligner la gratitude d’accompagner. Accompagner ces passages si grands dans cet espace que personne d’autre que les doulas ne porte. Je suis partie et j’ai croisé cette sage-femme à mon arrivé. J’avais entendu parlé d’Elle mais je ne l’avais encore jamais rencontrée. Elle m'a accueilli les bras ouverts. Elle aussi avait entendu parler de moi. Joie de notre rencontre, de passer la nuit ensemble. Cette nuit se transformera en 2 jours. L’espace ouvert est doux, notre équipe sera complémentaire. Chacune à notre place si claire, ensemble dans nos cœurs. Et pendant ce temps, à la maison, mes enfants et mon chum vivent leur vie. Je sors parfois un instant de la grotte pour me permettre de mieux y revenir en prenant des nouvelles des miens. Je reçois une photo d’eux tous ensemble avant d’aller se coucher. Je me dis à quel point je les aime. Je leur envoie une photo de moi toute seule en train de préparer le thé dans ce nouveau lieu de passage. Un nouvel endroit à chaque fois. Cela connecte les enfants à ma réalité et nous met en lien sur le départ souvent soudain de maman doula avant une nuit loin les uns des autres. De cododo allaité mis en pause. Sur le lieu où je suis, je prends soin, d’une lumière discrète au besoin, de bougies seulement, de chauffer l’eau dans une casserole plutôt que la bouilloire pour éviter le bruit. Même l’interrupteur est éteint en toute douceur. Les placards sont ouverts et fermés dans la plus grande discrétion. Les pas se font comme si je marchais sur des nuages. Mes seins remplis de lait, j’oublie souvent de le tirer, pourtant l’ocytocine présente dans l’air, et les picotements aux heures habituelles de mon fils sont biens présents. Toute l’ambiance est prise en soin. Les petits détails comme les grands sont misent en place. Mais surtout la qualité de la présence fera la différence. La sage-femme de retour nous avons pu nous alliées pour nous relayer, prendre repos, se soutenir. Prendre soin de Celle qui enfante mais aussi de l’Une et l’Autre. Chacun avec notre travail, différent, nuancé, complémentaire et supportant. Et puis cet enfantement, n’est pas de ceux qui dure peu longtemps. Bien au contraire, une première nuit, une deuxième commence. Imaginez la force de cette mère qui donne la vie. Une offrande en héritage à celles présentes lors de cette naissance. Chaque fois, j’en suis ébahie. Chaque fois je me trouve incroyablement vénérée. Chaque fois j’en suis grandie. Chaque fois j'apprends quelque chose. Chaque fois, je suis une meilleure humaine une naissance à la fois. Et puis il a fallu qu’elle écoute ses limites. Ses limites à Elle. Celles qui lui permettaient de rester dans son pouvoir, que sa naissance lui appartienne, se déploie en son sens en Elle, maintenant et par la suite. Je lui ai rappelé que Prendre pouvoir c’est aussi Écouter ses limites. Se respecter dans ce qui Est. Car dépasser ses limites n’est pas toujours gratifiant pour en venir à tout point à quelque part. Cela pouvait même se transformer en une expérience acharnée créant des traumas. Mais ces réponses là, étaient les siennes, je ne les avais pas pour Elle. Son histoire lui appartenait. Et cette sage-femme était magnifique à porter entièrement le respect de la façon dont cette naissance allait s’écrire. Je n’étais pas là pour la sauver. Elle n’était pas là pour la convaincre. Ensemble, nous l’accompagnions de façon éclairée, chacune dans les compétences de nos métiers. Après 42 semaines et 2 jours, 5 semaines passées de gardes et des heures de présence, cette enfant est née dans un état d’éveil et incarnée d’une façon incroyable. Je vois bien à quel point laisser les enfants naître quand ils sont prêts, sans les presser leur permet d’être complètement là, à l'instant même. Comme s'il n’y avait pas de choc, de dualité entre un Monde et l’Autre. Après tant d’heure et si peu de sommeil, en plus d’un accompagnement en anglais, mes émotions décuplées, j’ai pleuré sa naissance comme jamais je ne l’avais fait auparavant. Cette enfant m’a fait pleurer de la beauté de tout ce qu’elle m’avait soufflé et du constat de cette incarnation si claire. J’avais rêvé son visage 2 nuits avant et elle était exactement comme dans mon rêve. Cette enfant m’avait répété pendant le travail de naissance: “I’m so happy, so happy to come here, on earth.” Et elle riait. Elle riait aux éclats de joie de venir. Elle était si prête. Et moi, je l’entendais si clairement depuis plusieurs mois déjà. Ma relation à ces bébés est bien au-delà et bien avant leur arrivée terrestre. Mais il y avait autre chose d’incroyable que je vivais de façon répétitive voir insistante depuis 3 mois en accompagnement. La présence d’une mère près de Celle qui donnera la Vie. Une mère aimante, bienveillante auprès de sa fille enfantant l’humanité. Mon cœur attendrie et choyée de pouvoir être témoin de ce que je n’ai pas connu mais aussi d’avoir la sensation que la vie m’offre la possibilité de me transmettre autrement que par ma propre histoire, une façon de me voir plus tard quand ce sera mon tour. Mon tour d’accompagner mes enfants, d’être grand-mère. Comme une réponse apportée sur un plateau de diamants à la part de moi qui se questionnait. Une transmission des possibles existants et réels au-delà du spéculatif. Une réponse claire désormais vécue sans avoir à l’imaginer. Et ces grands-mères que je sers dans mes bras, que j'accompagne aussi, m'accompagnent en retour. Elle me voit doula. Elle me voit avec leurs expériences de femmes, de celles qui ont marché avant moi. Elles vont transmettre elles aussi l’essence même de l’importance de ce que nous faisons maintenant qu’elles l’ont vu et vécu. Plusieurs générations touchées. Ma propre histoire de femme redorée. C’est grand et c’est beau. Et ce qui m’a profondément émue, c’est l’entendre dire: “Elle était encore un petit bébé hier et la voici mettre au monde un bébé.” Elle l’avait vu entièrement devenir mère, témoin de la naissance de sa petite fille. Sa petite fille qui a ouvert les yeux en grand en voyant sa GrandMa et sa fille lui révélant qu’elle portera son nom en deuxième prénom. Un accouchement de femmes, une histoire transgénérationnelle incroyable. Puis pendant que ce bébé pleurait de sa naissance, en pleine nuit, un petit garçon à la maison pleurait sa tété. Papa s’est débrouillé avec de la compote et de l’eau. Et tout le monde s’en est bien sorti ! Ils étaient si heureux de passer des moments complices ensemble et de me conter comment chez nous le Monde avait continué de tourner lorsque moi, dans la grotte j’ai accompagné. D’ailleurs mon deuxième, ne lâche plus depuis sa poupée pour jouer au papa attendrie avec son bébé. C’est mignon, vraiment très mignon. Je pars et je rentre avec le plaisir de les reVoir complètement. Ce n’est que deux jours et pourtant déjà, ils ont changé. Du recul que je peux avoir, du manque de ne pas les voir. De cette naissance, il y a eu une rencontre. Celle de cette sage-femme avec qui nous avons fait équipe ce temps durant, en parfaite harmonie. À la fin, nous nous sommes remerciées, dis bravo, soulignées la nécessité de nos deux professions, à quel point nous étions reliées de cette complémentarité. Nous nous sommes Vues. Reconnues, Complimentées. Nous nous sommes senties soutenues par l’une et l’autre chacunes dans nos sphères. C’était réconfortant, apaisant, marquant. J’ai même emprunté un bout de son canapé, pour aller me coucher quelques heures avant de prendre la route vers mon domicile prudemment reposée. Et puis, le lendemain, après m’être retournée chez moi, j’ai vu une lettre publiée sur les réseaux. Une lettre de l'Ordre des sages-femmes en France, mon pays de nationalité ainsi qu'en Belgique dénonçant les doulas. Et alors je me suis dis, qu’encore une fois, la vie m’avait offert réponse pour que je ne doute point, que je ne sois pas apeurée, puisque je venais de vivre exactement l’inverse de ce qui était dénoncé. Alors je suis Doula, pas Sage-Femme. Et que chaque doula sache qu'ielles sont essentielles à ce Monde. Vous êtes semeuses de lumière. Merci d’exister dans cette humanité où vous êtes actuellement plus que nécessaire. Et maintenant, je vais aller retrouver mes enfants, allaiter collé-collé mon petit bébé plus si bébé et me reposer assez longtemps pour le prochain enfant qui nous montrera sous peu le bout de son nez! |
AuteurAccompagnante aux passages de vie passionnée, vous pouvez aussi me suivre sur les réseaux sociaux @Tiffa La Doula. Archives
Février 2024
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