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C’est la rentrée. Et nous, nous sommes rentrés de Madagascar. Ça fait quelques semaines mais je n’ai pas encore réouvert mon carnet de voyage où sèchent encore des fleurs de mon pays et de mon arrière-grand-mère. Où sont écrits des émois, des atterrissages et des envolées. Je ne suis pas encore prête à l’ouvrir. J’ai encore besoin de laisser couler en moi tout le vécu qui s’intègre, une parcelle de vie à la fois, dans le quotidien de la rentrée qui revient. Il faut dire que le retour n’a pas été que douceur même si cela a été plein de sens. Entre une infection parasitaire et une perte totale de voiture, le mois d’été ici est passé vite mais a été chouette tout de même. Nous avons été entourés et cela nous a permis de nous ressentir connectés immédiatement, dans le réseau de l’immigration créé dans la région avec les années. Entourés et épaulés. Quitter une terre d’origine sur laquelle je me suis sentie chez moi sans pouvoir y mettre des mots qui expliqueraient véritablement, pour revenir sur une terre d’adoption, aurait pu être autrement éprouvant mais la matérialité nous a tout de suite ramenés dans le concret. Et puis les nouveaux rêves se sèment et j’ai eu la chance de croiser certain.e.s d’entre vous qui m’ont conté le déploiement de leurs rêves partagés. J’ai pu être témoin des mouvements de vos rêves. J’ai pu être témoin de la magie d’un rêve entendu et porté. Et je voulais prendre le temps, sans pouvoir mettre tous les mots encore sur ce voyage, de vous remercier. J’ai pleuré 48 h. Lorsque l’avion s’est posé d’abord. Lorsque j’ai vu ma cousine venue nous chercher à l’aéroport. Puis chaque fois qu’on me demandait comment c’était. Pleurer de gratitude, du sel de mère de mes origines honorées, les larmes roulant de mes yeux à mon cœur. J’ai aimé sentir chaque larme, chaque émotion, chaque questionnement, chaque nuance. Rencontrer ma famille et passer du temps ensemble. Rencontrer des inconnus ici et là et s’être reconnus tout au long des 4000 km parcourus. Rencontrer les terres, les sables, les arbres, les fleurs, les animaux et j’en passe. Rencontrer tout le vivant qui habite mon sang et pouvoir le ressentir en allant à sa rencontre. C’est une reconnaissance précieuse. Simplement aller à la librairie, voguer les autrices malagasy que je ne trouve pas ici. Goûter le lait de zébu que je ne trouve pas ici. La musique que j’écoute et qui, là-bas, est écoutée de tou.te.s. Il faut ensuite laisser le manque et le plein vivre en soi lors du départ. Il faut aussi prendre le temps de savourer tout l’amour déployé et la multiplicité installée. Rire des aventures qui deviennent souvenirs et anecdotes comme la fois où, en pleine nuit, le taxi-brousse a oublié de nous déposer et que nous avons dû faire 10 h de route pour revenir à notre point. Prendre le temps de revenir d’un moment de flottement dans lequel nous sommes ensemble hors du temps du quotidien, à se regarder dans les yeux et se donner les mains, les mains collées les unes aux autres pendant les longues heures de taxi-brousse. S’adapter de nouveau au territoire où l’on revient transformé mais où la transformation est toujours en cours. L’identité révélée du vécu et le récit de vie réécrit. Avoir retrouvé les siens et l’évidence d’une terre sous ses pieds attendue depuis si longtemps. La douceur de l’évidence d’un chez-soi dans tout ce qu’il comporte de perspectives et de strates. Avoir partagé avec ma famille les souvenirs de leurs propres vies sur le territoire, partager des vécus communs ou différents, entendre des histoires jamais entendues ou réentendues autrement, mettre des images, des mots, des lieux sur des récits d’enfance devenus réels et nouveaux, parler avec ma grand-mère et ma mère à chaque étape. Pleurer d’amour de se quitter après s’être vu.e.s. C’est une alchimie si profonde et la profondeur me nourrit de beauté et me fait vivre l’expérience de la Terre avec tant de reconnaissance et de sagesse. Alors je vous dis merci, merci d’avoir participé. D’avoir confié vos rêves. Et je voulais vous revenir à propos d’eux. J’ai pu remettre des récits de rêves à celles qui me l’avaient demandé. Cela m’a beaucoup émue d’être traversée, d’écrire et de remettre un récit. J’ai pu emporter vos rêves à celles et ceux qui me les avaient confiés. Je les ai emmenés dans une jolie pochette brillante comme si j’amenais des bijoux précieux. J’ai randonné les forêts, les sables, l’océan, les rivières et les villes avec et je suis allée sur la colline sacrée d’Ambohimanga pour les ritualiser, les honorer avant de vous les ramener sur le territoire pour qu’ils complètent leurs voyages. Il me ferait vraiment plaisir de vous entendre sur vos rêves partagés, ce qu’il en a été de votre côté. Mes remerciements ne sont que des mots ici mais sachez qu’ils ont été vécus, ressentis, pleurés, gratifiés, et qu’au-delà des mots circulent probablement ce qu’on appelle l’Amour et j’ose imaginer qu’il puisse profiter au Monde Entier. À mes ami.e.s et ma famille d’ici et de là-bas car nous avons aussi été accueillis précieusement à Madagascar et au Québec. La multiplicité est un cadeau de vie magnifique et je suis heureuse que mes enfants aient pu goûter la leur autrement encore avec ce voyage. À mon retour, j’ai aussi participé à un projet d’exposition d’objets des habitants des Basques dans laquelle j’ai partagé la statue que ma grand-mère m’a offerte, dans laquelle continuent d’être honorés les pas, les chemins et la diversité soulignée de sa précieuse richesse. Il est temps maintenant de mon entrée à l’Université et d’accompagner de nouveaux bébés qui viennent rejoindre l’Humanité et le Vivant d’ici.
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AuteurAccompagnante aux passages de vie passionnée, vous pouvez aussi me suivre sur les réseaux sociaux @Tiffa La Doula. Archives
Octobre 2024
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